La finance durable désigne l’ensemble des pratiques financières visant à favoriser l’intérêt de la collectivité sur le long terme. Elle recouvre traditionnellement la finance socialement responsable, la finance solidaire et la finance verte, dont les éléments clés peuvent être ainsi résumés :

  • Finance socialement responsable: vise à favoriser des investissements socialement responsables (ISR) qui intègrent les critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance).
  • Finance solidaire: vise à faciliter le financement de projets destinés à lutter contre l’exclusion et à améliorer la cohésion sociale.
  • Finance verte: vise à faciliter les investissements avec impact positif sur l’environnement (biodiversité, écosystèmes) en favorisant la transition énergétique et la lutte contre le réchauffement climatique.

A ce dernier sujet, l’Union européenne a adopté, en 2016, le Règlement Benchmark, qui constitue l’une des pierres angulaires de la stratégie européenne en la matière.

Ce texte, actualisé en 2019, introduit deux indices de référence européens : Climate-Transition Benchmark (CTB-UE) et Paris-Aligned Benchmark (PAB-UE), qui intègrent les critères ESG (environnementaux, sociaux et gouvernance) en assurant la plus grande transparence des méthodes utilisées afin de réduire les risques de greenwashing.

Le Reglement Benchmark        

A la suite des scandales de manipulation des indices de reference, en particulier les indices LIBOR ou EURIBOR, le Parlement et le Conseil européen ont adopté, le 8 juin 2016, le Règlement 2016/1011/UE afin de tenir compte des recommandations formulées par le FSB (Financial Stability Board) en 2014.

Ce texte vise à établit des règles uniformes de façon à remédier aux principaux problèmes rencontrés dans la production, la contribution et l’utilisation des indices de référence, et a défini les mesures visant à garantir la précision, la solidité et l’intégrité des indices utilisés comme indices de référence dans le cadre d’instruments et de contrats financiers, ou bien mesurer la performance de fonds d’investissement dans l’Union.

Pour répondre à ces exigences, le législateur européen a introduit des dispositions d’harmonisation maximale qui s’adressent non seulement aux fournisseurs d’indices de référence, mais aussi aux entités soumises à la surveillance prudentielle pour qu’elles utilisent exclusivement les benchmarks produits par des administrateurs relevant du champ d’application du règlement Benchmark.

Son but est de limiter les divergences et différences entre les législations des Etats membres, qui risqueraient autrement de créer des obstacles au bon fonctionnement du marché intérieur pour la fourniture des indices de référence.

Le Règlement Benchmark contient nécessairement un certain nombre de notions. Il explique d’abord ce qu’est un indice. A ce propos, l’art 3 dudit règlement précise :

 On entend pour indice, tout chiffre :

    • Qui est publié ou mis à la disposition du public
    • Qui est régulièrement déterminé :
      1. En tout ou en partie, par l’application d’une formule ou de toute autre méthode de calcul, ou au moyen d’une évaluation et
      2. Sur la base de la valeur d’un ou de plusieurs actifs sous-jacents, ou prix, y compris des estimations de prix, des taux d’intérêt effectifs ou estimés, des offres de prix et des offres de prix fermes, d’autres valeurs ou des données d’enquête .

Un indice de référence est tout indice par référence auquel sont déterminés le montant à verser au titre d’un instrument ou d’un contrat financier ou la valeur d’un instrument financier, ou un indice qui est utilisé pour mesurer la performance d’un fonds d’investissement dans le but de répliquer le rendement de cet indice, de définir l’allocation des actifs d’un portefeuille ou de calculer les commissions de performance.

Le Règlement Benchmark précise également la notion d’administrateur d’indices de référence. Tel est la personne morale ou physique qui contrôle la fourniture d’un indice de référence.

Les administrateurs d’indices de référence sont tenus de respecter des règles qui couvrent la gouvernance, les conflits d’intérêts, la mise en place de dispositifs de contrôle et de signalement afin d’éviter la manipulation des indices de référence, la transparence de l’indice de référence auprès des utilisateurs et des investisseurs ou encore la mise en place d’un code de conduite pour les contributeurs.

Ces exigences doivent être proportionnées et tenir compte de l’importance de l’indice de référence, c’est-à-dire selon que l’indice de référence est un indice d’importance critique, d’importance significative ou d’importance non significative (le tableau à droite résume les trois types d’indices de référence).

Les administrateurs d’indices de référence doivent faire l’objet d’un agrément ou d’un enregistrement auprès de leur autorité nationale compétente, lorsqu’ils sont situés dans l’Union européenne.

Mais, lorsqu’ils sont établis en dehors de l’Union européenne, ils doivent recourir à l’un des trois canaux du régime pays tiers, afin que les indices qu’ils fournissent puissent être utilisés dans l’Union européenne.

L’AMF est l’autorité compétente en France.

Autre notion importante définie par le Règlement Benchmark concerne la définition de fourniture d’un indice de référence.

L’exercice de cette activité porte essentiellement sur la gestion des dispositifs de détermination d’un indice de référence à travers la collecte, l’analyse ou le traitement de données sous-jacentes.

La détermination d’un indice de référence se réalise par l’application d’une formule ou d’une autre méthode de calcul, qui est publié ou mis à la disposition du public, et qui est utilisé à titre de référence dans le cadre d’un contrat ou d’un instrument financier.

Enfin, l’art. 36 du Règlement Benchmark prévoit que l’ESMA doit instituer et gérer un registre public des administrateurs d’indices de référence, contenant les informations suivantes :

  • Identité des administrateurs d’indices de référence agrées ou enregistrés dans l’Union européenne
  • Identité des administrateurs situés dans un pays tiers qui remplissent les conditions d’équivalence et la liste de leurs indices de référence qui seront utilisés dans l’Union européenne
  • Identité des administrateurs situés dans un pays tiers qui ont été préalablement reconnus par l’autorité compétente de leur Etat membre de référence et la liste de leurs indices de référence qui seront utilisés dans l’Union européenne
  • Indices de référence fournis par un administrateur de pays tiers qui ont été avalisés par un administrateur situé dans l’Union européenne afin qu’ils puissent être utilisés dans l’Union européenne.

Le but ultime de ce registre – qui doit être accessible au public sur le site internet de l’ESMA et mis à jour dans le plus bref délai – est de permettre aux entités surveillées qui utilisent un indice de référence de s’assurer, conformément à l’article 29 du Règlement Benchmark, que cet indice est bien fourni par un administrateur agréé ou enregistré et inscrit au registre de l’ESMA.

Lorsque l’indice de référence est fourni par un administrateur situé dans un pays tiers, la consutation du registre doit permettre de vérifier que l’indice de référence est effectivement inscrit sur le registre de l’ESMA.      

Les indices de reference visés par le Reglement Benchmark    

Cependant, dans la version de 2016 du Règlement Benchmark (Reg. 2016/1011/UE), le législateur européen s’est limité à fournir une définition de la notion d’indice de référence.

La Commission européenne a alors décidé d’aller plus loin. Ainsi, compte tenu du rapport établi par le TEG (Technical Expert Group), elle a introduit des normes minimales qui permettent, d’un coté, de faire une distinction claire entre les indices de référence « transition climatique » de l’Union et les indices de référence « accord de Paris », et de l’autre coté, a imposé un certain nombre d’obligations à respecter.

Rappellons que la construction de ces indices de référence relève de l’action n°5 du Plan d’action européen sur la finance durable de 2018, qui porte sur l’élaboration d’indicateurs de référence en matière de durabilité. On peut lire dans le texte que :

D’ici au deuxième trimestre de 2018, la Commission entend (i) adopter des actes délégués, dans le cadre du règlement sur les indices de référence, relatifs à la transparence des méthodologies et des caractéristiques des indicateurs de référence pour permettre aux utilisateurs de mieux évaluer la qualité des indicateurs de référence en matière de durabilité ; et (ii) présenter, en fonction des résultats de son analyse d’impact, une initiative d’harmonisation des indicateurs de référence incluant les émetteurs bas carbone, sur la base d’une méthodologie solide pour calculer leur empreinte carbone, à mettre en place une fois que la taxinomie en matière de climat sera prête. Le groupe d’experts techniques de la Commission publiera, sur la base d’une consultation de toutes les parties prenantes, un rapport sur la conception et la méthodologie de l’indicateur de référence bas carbone d’ici au deuxième trimestre de 2019.

La version actualisée du Règlement Benchmark de 2019 (Reg 2019/2089 /UE) a donc crée deux types d’indices de référence à faible émission de carbone : l’indice Climate-Transition Benchmark (CTB-UE) et l’indice Paris-Aligned Benchmark (PAB-UE), qui offrent aux investisseurs ayant des préférences ESG une alternative aux indices boursiers classiques, et dont les points clés peuvent être ainsi résumés :

Climate-Transition Benchmark (CTB-UE) : techniquement, l’indice de référence CTB-UE de transition climatique, doit satisfaire deux conditions : ses actifs sous-jacents doivent être sélectionnés, pondérés ou exclues de telle sorte que le portefeuille de référence qui en résulte se trouve sur une trajectoire de décarbonation, avec des émissions de GES (gaz à effet de serre) inferieure d’au moins 30% par rapport à celles de leur univers d’investissement.

Cet indice est construit en conformité des normes minimales établies dans les actes délégués, qui complètent le Règlement Benchmark. Pour ces caractéristiques l’indice CTB-UE est particulièrement indiqué pour les investisseurs institutionnels qui souhaitent protéger les investissements contre les risques liés au changement climatique et à la transition vers une économie à faible intensité de carbone.

Paris-Aligned Benchmark (PAB-UE) : l’indice de référence PAB-UE vise à sélectionner uniquement les éléments qui contribuent à la réalisation de l’objectif établi dans l’Accord de Paris de 2015 maintenir « l’augmentation de la température moyenne mondiale bien en dessous de 2°C au-dessus des niveaux préindustriels » en poursuivant les efforts « pour limiter l’augmentation de la température à 1,5°C au-dessus des niveaux préindustriels ».

De même, cet indice est lui aussi construit conformément aux règles minimales fixées dans les actes délégués du Règlement Benchmark. Il suit une trajectoire de décarbonisation, avec des émissions de GES inferieure d’au moins 50% par rapport à celles de leur univers d’investissement. En outre, les activités liées aux actifs sélectionnés ne doivent pas porter de préjudices significatifs aux autres objectifs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG).

Pour ces caractéristiques, le PAB-UE est particulièrement indiqué pour les investisseurs institutionnels désireux de soutenir activement la transition vers une économie durable, résiliente et soucieuse des intérêts des générations futures.

Les deux indices poursuivent des objectifs similaires. Cependant, ils n’ont pas le même niveau d’ambition, notamment au niveau des seuils exigés et des exclusions.

Les méthodologies utilisées par les indices de référence CTB-UE et PAB-UE reposent sur des trajectoires de décarbonation fondées sur des données scientifiques et limités dans le temps qui tend vers l’alignement sur les objectifs de l’accord de Paris.

Ils exigent une réduction moyenne annuelle de l’intensité carbone de 7%, que ce soit pour les actions admises sur un marché public de l’Union européenne ou pour les titres de créance qui ne sont pas émis par un émetteur souverain.

En outre, dans chaque pays membre, l’administrateur d’indices de référence CTB-UE ou PBA-UE doit formaliser, documenter et rendre publique les méthodologies qu’il utilise pour le calcul de l’un de ces indices de référence, en fournissant des informations sur :

  • Les critères appliqués pour exclure des actifs ou entreprises exerçant tout ou partie de leur activité dans des secteurs controversés, tels que les armes, l’alcool, ou la violation de certaines normes sociales. Les indices PAB-UE excluent également les industries du charbon, du pétrole, du gaz et les producteurs d’électricité qui émettent trop d’émission de GES.
  • Les critères de détermination de la trajectoire de décarbonisation et les données utilisées pour déterminer cette trajectoire
  • La totalité des émissions de carbone du portefeuille

Ces deux indices ne suivent pas la politique du best in class. Ils prennent en considération l’ensemble de l’univers d’un indice de référence, c’est-à-dire l’ensemble des instruments d’une catégorie donnée d’actifs dans lesquels est possible d’investir.

Le législateur européen ambitionne, via la définition de ces indices, à fournir à l’ensemble des investisseurs un outil efficace.

Le but est de permettre à ces derniers de prendre en compte les critères de performance extra-financière, et de développer des portefeuilles d’investissement an adéquation avec les objectifs de l’Accord de Paris.

Par ailleurs, la création des indices CTB-UE et PAB-UE vise également à contenir le phénomène croissant du greenwashing lié au développement des entreprises vertes.

Les mesures mises en œuvre par le législateur européen ont toutes pour but de créer de créer un cadre juridique favorable à l’orientation des capitaux vers les activités durables de l’Union européenne.

Dit autrement, elles poursuivent le triple objectif de garantir : 1) que les informations adressées au marché et aux consommateurs ne sont pas mensongères, 2) que les investissements réalisés ont des impacts mesurables et contribuent à la réduction des émissions de GES, 3) que les solutions adoptées sont concrètes et permettent à l’entreprise de réaliser une transition vers un modèle plus respectueux de l’environnement et de l’avenir des générations futures.

gp@giovannellapolidoro.com