L’administrateur indépendant est devenu l’une des figures phares de la bonne gouvernance d’entreprise. Les codes de gouvernance, en France et en Italie, recommandent d’intégrer au sein du conseil d’administration et dans ses comités spécialisés une majorité d’administrateurs indépendants.

Les administrateurs indépendants sont censés avoir acquis une réputation d’équité, de responsabilité et de bon jugement.

Leur avis se révèle particulièrement utile quand il s’agit de résoudre des controverses où les intérêts des actionnaires ne coïncident pas avec les intérêts des administrateurs exécutifs. Ce qui peut être le cas quand le conseil d’administration doit définir la politique de rémunération des dirigeants ou approuver des conventions passées avec les parties liées.

Leur présence au sein du conseil d’administration contribue efficacement au bon fonctionnement du conseil et à renforcer son rôle de surveillance. Dans ce contexte, la condition d’indépendance est un critère indispensable pour le choix de candidats talentueux, professionnels et expérimentés puisqu’elle vise a priori à éviter que les administrateurs suivent les intérêts des dirigeants ou de l’actionnaire de référence.

Pour être considéré comme indépendant, l’administrateur ne doit pas avoir des liens familiaux ou des relations d’affaires avec la société et ses dirigeants. Il ne peut non plus être associé ou actionnaire de contrôle de la société ou de l’une de ses filiales.

Bref, l’administrateur indépendant doit éviter toute situation, réelle ou potentielle, de conflit d’intérêt capable d’altérer sa capacité de jugement.

Une pratique que nous vient de la tradition anglo-américaine

Le concept d’administrateur indépendant n’appartient pas à la tradition juridique romano-germanique de l’Europe continentale, mais c’est un concept qui s’est imposé, au début des années soixante-dix, aux Etats-Unis et dans le système de common law où la pratique est bien ancrée.

Sous la pression du scandale de la Penn Central Transportation – un scandale qui par son ampleur et importance peut être considéré comme un Enron ante-litteram – les pratiques de gouvernance des sociétés américaines à capital dispersé ont progressivement évolué aux Etats-Unis.

Au conseil d’administration a été assigné une fonction de surveillance sur la performance du CEO et de ses managers. Ce changement de perspective a signé le passage de l’advisory board au monitoring board.

Dans ce contexte, la SEC (Security Echange Commission) a joué un rôle déterminant. En 1976, elle a exigé que toutes les sociétés cotées sur le NYSE désignent des administrateurs indépendants et créent au sein du conseil d’administration des comités spécialisés. C’est le cas notamment du comité d’audit (Audit committee), que la loi Sarbanes Oxley Act de 2002, en réaction aux scandales financiers Enron, WorldCom, Xerox a imposé aux firmes américaines. Ce comité, composé exclusivement d’administrateurs indépendants, est chargé de vérifier l’information financière et le système de contrôle interne et de gestion des risques.

Le développement des règles de corporate governance ainsi que les recommandations des autorités de régulation des marchés ont eu le mérite de renforcer le rôle de surveillance (monitoring board) du conseil d’administration sous un double aspect :

  • Sur le plan organisationnel à travers la création de comités spécialisés du conseil d’administration. La composition du conseil est un élément clé pour le bon pilotage de la société. Plus la diversité est importante, plus les débats sont riches et approfondis.
  • Sur le plan du savoir-faire et de la compétence à travers une sélection rigoureuse d’administrateurs non exécutifs. Cette procédure de sélection a permis l’entrée dans les salles du conseil d’administration de personnes capables d’apporter une vue extérieure indépendante, de proposer des idées et solutions innovantes – en remettant ainsi en question certaines pratiques dépassées – de poser des questions pertinentes et d’imposer leur point de vue à l’équipe de direction.

Cependant, le passage du rôle d’advisory board à celui de monitoring board n’a pas été facile. Les dirigeants des grandes firmes américaines ont opposé une grande résistance à toute forme de changement. Ils ont eu du mal à accepter l’idée que la direction puisse être supervisée par un monitoring board.

Nonobstant de nombreuses tentatives de boycott, ils ont fini par accepter la mise en œuvre de ce nouveau mécanisme de gouvernance. Le monitoring board était le prix à payer pour éviter l’application de sanctions sévères de la part du législateur et des régulateurs.

Les missions de l’administrateur indépendant

Le développement des pratiques de gouvernance au sein des firmes américaines a contribué à faire évoluer le rôle et les responsabilités des administrateurs indépendants. La fonction de supervision exercée par ces derniers ne se limite plus au contrôle de la performance du CEO et de ses managers. Ils sont garants du respect de la bonne gouvernance et assurent le contrôle de l’information financière et comptable, du système de contrôle interne et de gestion des risques, de la rémunération des dirigeants et de la négociation des transactions avec les parties liées.

Les administrateurs indépendants exercent un rôle actif et leur présence, au sein du conseil d’administration des firmes américaines, apporte une réelle plus-value, étant ceux-ci chargés de :

  • Aider le CEO et les managers dans la définition et la mise en œuvre de la stratégie, la définition des plans financiers et industriels et des opérations les plus significatives, pouvant avoir un impact sur la situation économique et financière de la firme.
  • Limiter les conflits d’intérêts entre les membres de l’équipe de direction et la société, notamment dans le cadre de la négociation des transactions avec les parties liées où les intérêts des dirigeants peuvent être en conflit avec les intérêts de la société.
  • Maximiser la valeur actionnariale de la firme et de ses actionnaires.

Cette évolution de pratiques de gouvernance montre clairement que les administrateurs indépendants sont désormais impliqués dans tous les dossiers les plus sensibles de la firme, et leur avis doit être sérieusement pris  en compte par le CEO et les managers.

Ces derniers pour éviter de commettre des erreurs stratégiques – qui sont souvent la cause principale de graves crises d’entreprise – ont besoin d’être aidés par des personnes expérimentées, capables de poser les bonnes questions et de proposer des solutions concrètes.

Au final, l’inclusion des administrateurs indépendants au sein du conseil d’administration vient garantir la bonne gestion de la firme et, par corollaire, permet de prendre en compte les intérêts des actionnaires et des investisseurs.

gp@giovannellapolidoro.com