Les principes de gouvernance d’entreprise du G20 et de l’OCDE constituent la principale norme internationale en matière de gouvernance d’entreprise. Ils ont pour but d’aider les décideurs politiques et les régulateurs à évaluer et à améliorer les cadres juridiques, réglementaires et institutionnels régissant la gouvernance d’entreprise, afin de promouvoir la confiance et l’intégrité du marché, la viabilité économique et la stabilité financière.
Publiées pour la première fois en 1999 et mises à jour en 2004 et 2015, les Principes ont fait l’objet d’une révision complète entre 2021 et 2023 afin de tenir compte des évolutions récentes de la gouvernance d’entreprise et des marchés des capitaux.
Les Principes actualisés ont été adoptés par le Conseil ministériel de l’OCDE en juin 2023 et approuvés par les dirigeants du G20 en septembre 2023.
Cette troisième révision poursuit deux objectifs principaux : (i) soutenir les efforts nationaux pour améliorer les conditions d’accès des entreprises au financement du marché des capitaux et (ii) promouvoir l’adoption de politiques de gouvernance d’entreprise qui contribuent à la durabilité et à la résilience des entreprises, de manière à avoir un impact positif, en termes de durabilité et de résilience, sur l’économie dans son ensemble.
En définitive, il est demandé aux entreprises de diffuser et d’approfondir les informations sur la durabilité afin de permettre aux investisseurs de comparer les politiques adoptées et le fonctionnement des organes de gouvernance des différentes sociétés.
C’est précisément sur ce dernier point que nous aurions préféré que le G20 et l’OCDE adoptent une position plus courageuse. Au lieu de cela – ce qui sera plus clair plus tard – ils ont opté pour une approche plus flexible qui donne évidemment la priorité à la divulgation d’informations plus pertinentes sur la durabilité, tandis que pour toutes les autres exigences de transparence il est recommandé aux sociétés cotées concernées de procéder progressivement à leur publication.
Champ d’application des Principes du G20 et de l’OCDE
Les Principes ne sont pas juridiquement contraignants. Ils s’appliquent sur une base volontaire aux sociétés cotées en bourse, qu’elles soient financières ou non. Dans la mesure où ils sont applicables, les Principes peuvent également contribuer à améliorer la gouvernance des sociétés dont les actions ne sont pas cotées sur des marchés réglementés.
Si certains de ces Principes peuvent être plus adaptés aux grandes entreprises qu’aux petites, les responsables de l’action publique peuvent sensibiliser à la bonne gouvernance toutes les sociétés, y compris les plus petites, les sociétés non cotées et celles émettant des titres de créance.
Les Principes sont, par leur nature, évolutifs et sont révisés en fonction de changements significatifs du contexte général, afin de maintenir leur fonction de principale norme internationale soutenant les responsabilités de l’action publique en matière de gouvernance d’entreprise.
Le G20 et l’OCDE avec l’ensemble des parties prenantes concernées s’engagent à promouvoir et à suivre la mise en œuvre effective des Principes révisés à l’échelle mondiale. Les informations sur les tendances et les évolutions des cadres institutionnels, juridiques et réglementaires régissant la gouvernance d’entreprise des sociétés cotées seront rendues publiques, tous les deux ans, par l’OCDE dans son Factbook[1].
Les six principes du G20 et de l’OCDE
Les Principes s’articulent autour de six chapitres : I) Mise en place des fondements d’un cadre efficace de gouvernance d’entreprise, II) Droits et traitement équitable des actionnaires et principales fonctions des détenteurs de capitaux, III) Investisseurs institutionnels, marchés boursiers et autres intermédiaires, IV) Transparence et diffusion de l’information, V) Responsabilité du conseil d’administration, et VI) Durabilité et résilience.
Ce dernier chapitre consacré à la durabilité et à la résilience constitue une évolution importante des Principes. Il traite des défis de plus en plus pressants auxquels les entreprises sont confrontées dans la gestion des risques et des opportunités liées au changement climatique et à la durabilité. Il intègre également le chapitre IV de la précédente édition des Principes sur « Le rôle des différentes parties prenantes dans la gouvernance d’entreprise ».
Les Principes mis à jour comprennent également un nombre significatif de nouvelles recommandations, qui ont été intégrées dans les chapitres existants, dont les points clés peuvent être résumés comme suit :
- Mise en place des fondements d’un cadre efficace de gouvernance d’entreprise
Trois nouveaux points sont introduits dans ce chapitre.
- Il est rappelé que le cadre de gouvernance d’entreprise doit être conçu en tenant compte de l’environnement, de plus en plus complexe, des entreprises. Une bonne gouvernance d’entreprise devrait permettre un certain degré de proportionnalité, en particulier par rapport à la taille des entreprises. D’autres facteurs, tels que la structure de l’actionnariat, le contrôle de la société et la localisation géographique des actifs, devraient également être traités avec souplesse afin de tenir compte des besoins de chaque entreprise.
- Le développement des technologies numériques peut renforcer la supervision et la mise en œuvre des principes de gouvernance d’entreprise. Il est de plus en plus important de garantir une transparence maximale et la mise en œuvre de mesures qui aident les entreprises à gérer les risques associés à l’utilisation de ces nouvelles technologies.
- En ce qui concerne les groupes d’entreprises, les pratiques de bonne gouvernance devraient se concentrer, entre autres aspects, sur les relations de contrôle entre les sociétés du groupe et la société mère, la domiciliation des sociétés et l’importance de leur inclusion dans les états financiers consolidés.
- Droits et traitement équitable des actionnaires et principales fonctions des détenteurs de capitaux
Un cadre efficace de gouvernance d’entreprise devrait protéger et faciliter l’exercice des droits des actionnaires et garantir un traitement équitable de tous les actionnaires, y compris les actionnaires minoritaires étrangers. Chaque actionnaire doit avoir la possibilité de participer effectivement et de voter aux assemblées générales, doit avoir accès en temps utile à des informations suffisantes concernant la date, le lieu et l’ordre du jour des assemblées générales, mais il doit également avoir la possibilité d’obtenir réparation du dommage en cas de violation de ces droits. Les juridictions de chaque pays doivent prendre des mesures appropriées pour faciliter l’implication et la participation effective des actionnaires dans la vie de l’entreprise.
- Investisseurs institutionnels, marchés boursiers et autres intermédiaires
Le présent chapitre accorde une attention particulière aux relations entre l’entreprise et ses investisseurs institutionnels, en précisant qu’un cadre de gouvernance efficace et crédible devrait encourager le dialogue et la participation des investisseurs institutionnels. Par conséquent, les entreprises doivent s’efforcer de garantir une plus grande transparence et de protéger les intérêts des investisseurs. En revanche, en ce qui concerne les investisseurs institutionnels agissant à titre fiduciaire, ceux-ci devraient rendre publiques les politiques de gouvernance d’entreprise et de vote qu’ils appliquent aux sociétés dans lesquelles ils ont décidé d’investir, y compris les procédures adoptées pour faciliter l’exercice du droit de vote.
- Transparence et diffusion de l’information
La nouveauté la plus importante introduite par les Principes actualisés concerne la diffusion d’informations durables. En effet, les entreprises ont désormais l’obligation de rendre publiques non seulement les informations relatives à leurs objectifs financiers, mais aussi les politiques et indicateurs de performance significatifs concernant les questions environnementales et sociales (ES).
Les principes du G20 et de l’OCDE visent donc à promouvoir et à encourager la diffusion des informations extra-financières nécessaires pour gérer la transition vers une économie mondiale durable en conjuguant rentabilité à long terme, justice sociale et protection de l’environnement. Dans ce contexte, la communication d’informations non financières contribue à mesurer, suivre et gérer les performances des entreprises et leur impact sur la société.
Les administrateurs jouent un rôle clé dans la sensibilisation et la mise en œuvre de pratiques responsables axées sur les questions sociales et environnementales. Pour cette raison, les Principes insistent sur le fait que les entreprises doivent fournir des informations claires sur la composition du conseil d’administration et le profil de chaque administrateur. Les actionnaires et les investisseurs potentiels ont en effet besoin d’en savoir plus sur le processus de sélection des administrateurs, exécutifs et indépendants, sur les compétences en matière de durabilité et sur le nombre de mandats exercés au sein d’autres entreprises (…) avant de prendre des décisions d’investissement.
- Responsabilité du conseil d’administration
En ce qui concerne le thème de la responsabilité du conseil d’administration, les nouveautés introduites concernent les deux points suivants :
- Les administrateurs devraient être protégés contre toute action en justice dans le cas où les décisions adoptées ont été prises en pleine connaissance de cause, en respectant la diligence requise et en l’absence de tout conflit d’intérêts. L’adoption de mesures de protection est essentielle pour ne pas décourager les investissements risqués qui peuvent avoir des effets positifs sur le développement économique de l’entreprise. Les administrateurs doivent donc être mis en mesure d’assumer le risque d’une décision, en principe, avantageuse pour l’entreprise, mais qui pourrait, en fin de compte, se solder par un échec.
- Le conseil d’administration doit examiner et évaluer les politiques et procédures de gestion des risques, y compris les risques liés à la transition durable. Cette approche est étroitement liée à la stratégie d’entreprise, ce qui signifie que le conseil doit s’assurer que celle-ci dispose de processus et de procédures adéquats pour prévenir et gérer les risques externes à l’entreprise.
6. Durabilité et résilience.
Le sixième chapitre représente la principale nouveauté introduite par les Principes du G20 et de l’OCDE 2023. Le thème central est la transition durable : un sujet d’actualité qui traverse aujourd’hui une phase cruciale. À mesure que les réglementations sur la transition durable entrent en vigueur dans les différents pays, les entreprises, en particulier les grandes entreprises, doivent s’adapter rapidement à cette évolution et se conformer aux nouveaux dispositifs réglementaires.
Il y a une prise de conscience croissante du fait que les grandes entreprises jouent un rôle essentiel dans la réalisation d’une transition durable et la création de valeurs à long terme. On leur demande d’affirmer leur engagement et de rendre compte de l’impact de leurs activités sur l’environnement et sur la société dans son sens le plus large et dans sa complexité politique, institutionnelle, sociale, technologique et culturelle.
Pour être des acteurs du changement positif, les entreprises doivent s’aligner sur les critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) doivent gérer les risques et les opportunités liés au changement climatique et à d’autres questions de durabilité et doivent également dialoguer et coopérer avec les autres parties prenantes.
Les Principes actualisés partent du constat qu’un cadre de gouvernance solide doit favoriser la gestion saine des risques ESG et assurer une diffusion cohérente, comparable et fiables d’informations de durabilité pour aider les investisseurs dans leurs décisions d’investissement et de vote.
Cependant, les Principes ont choisi une approche qui vise à diffuser les informations sur la durabilité de manière souple. Il est en effet recommandé aux entreprises de prioriser la diffusion d’informations de durabilité les plus pertinentes. Toutes les autres informations seront diffusées progressivement sur le marché.
Ce choix a été influencé en partie par des facteurs conjoncturels : la pression des gouvernements, les batailles culturelles en matière de transition durable qui polarisent, à droite comme à gauche, l’opinion publique, la pandémie de Covid-19, la crise économique, la guerre en Ukraine… qui ont eu un impact évident sur l’économie mondiale.
Cependant, il faut également dire que les grandes entreprises ont les moyens, humains et financiers, les compétences et les procédures pour intégrer les aspects sociaux et environnementaux et, se doter rapidement de bonnes pratiques pour fournir au marché des informations claires et approfondies sur tous les aspects de la durabilité.
Il est important qu’elles montrent qu’elles sont très déterminées à atteindre les objectifs climatiques de l’accord de Paris, car leur rôle est de contribuer à accélérer la transition durable, en encourageant également les PME à faire de même.
Faire croire, au contraire, que les objectifs ont des coûts prohibitifs ou qu’ils nécessitent des efforts excessifs conduirait à un ralentissement de la transition durable, en plus de favoriser un défaitisme qui ne demande qu’à prospérer.
gp@giovannellapolidoro.com
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[1] L’édition 2023 du Factbook de l’OCDE met l’accent sur de nouveaux aspects abordés dans les Principes révisés : la durabilité des entreprises, le recours aux outils numériques dans le cadre des assemblées d’actionnaires et les cadres réglementaires applicables aux groupes d’entreprises.