Le 14 décembre 2022, le Parlement européen et le Conseil ont adopté la directive 2022/2464/UE modifiant le règlement 537/2014/UE et les directives 2004/109/CE, 2006/43/CE et 2013/34/UE en ce qui concerne la publication d’informations sur la durabilité par les entreprises.
Publiée au Journal officiel de l’Union européenne (JOCE), le 16 décembre 2022, la directive CSRD – Corporate Sustainability Reporting Directive – constitue l’un des piliers les plus importants du Pacte vert européen de 2018, avec lequel la Commission a défini la stratégie européenne en matière de finance durable, qui repose sur les trois éléments constitutifs suivants :
- Un système de classification ou de « taxonomie » des activités durables
- Un cadre réglementaire pour la publication d’informations par les entreprises financières et non financières
- Instruments d’investissement, indices de référence, normes et labels.
En ce qui concerne la publication des informations que les entreprises, financières et non financières, doivent fournir aux investisseurs pour encourager les investissements durables, la Commission européenne avait déjà pris des mesures spécifiques.
En 2019, la Commission a adopté le règlement 2019/2088/UE (SFDR) relatif à la publication d’informations sur la durabilité dans le secteur des services financiers, qui est entré en vigueur en mars 2021. La directive CSRD vise donc à renforcer la stratégie européenne en matière de durabilité, à améliorer la responsabilité des entreprises et la qualité des informations destinées aux investisseurs, et à faire évoluer la culture de la transparence, notamment en ce qui concerne la diffusion d’informations relatives aux impacts, positifs ou négatifs, que les activités des entreprises peuvent avoir sur les personnes et l’environnement.
L’ambition de la CSDR est de donner aux informations sur la durabilité le même poids qu’aux informations financières. À cette fin, en janvier 2020, la Commission européenne a confié à l’European Financial Reporting Advisory (EFRAG) – un organisme indépendant réunissant plusieurs parties prenantes – la tâche de développer des normes techniques de durabilité (ESRS).
Sur la base des avis techniques émis par l’EFRAG, la Commission a adopté, le 31 juillet 2023, un règlement délégué complétant la directive 2013/34/UE en ce qui concerne les principes de reporting de durabilité. Le texte oblige les entreprises concernées à inclure, dans une section spécifique de leur rapport de gestion, des informations plus détaillées sur un large éventail de questions environnementales, sociales et de gouvernance (ESG).
Nouveautés introduites par la directive CSRD
La directive CSRD remplace et modifie les obligations d’information prévues par la directive NFDR et introduit les nouveautés suivantes :
- 1. Extension du champ d’application de la directive CSRD
La directive NFRD ne s’appliquait qu’à quelques grandes entreprises d’intérêt public (EIP), c’est-à-dire les entreprises de plus de 500 salariés. En revanche, le champ d’application de la directive CSRD est plus large.
Les nouvelles dispositions concernent les entreprises de plus de 250 salariés dont le total du bilan ou du chiffre d’affaires dépasse respectivement 20 millions d’euros ou 40 millions d’euros.
Sont également incluses dans son champ d’application les petites et moyennes entreprises européennes et non européennes cotées sur un marché réglementé, à l’exception des microentreprises, et les entreprises des pays tiers réalisant un chiffre d’affaires net de plus de 150 millions d’euros dans l’Union européenne et ayant une filiale ou succursale sur le territoire de l’Union.
De fait, l’application des dispositions prévues par la directive CSRD concernera environ 50000 entreprises actives sur le territoire de l’Union européenne. Le nombre d’entreprises concernées est quatre fois supérieur au nombre d’entreprises (environ 11.700 entreprises) qui sont actuellement tenues d’établir des rapports extra-financiers, en application de la directive NFRD.
2. Nouvelles exigences d’information
La directive CSDR prévoit que les grandes entreprises et les PME, à l’exception des microentreprises, doivent publier – dans une section spécifique du rapport de gestion – des informations de durabilité afin de permettre aux marchés, aux investisseurs et aux parties intéressées de mieux comprendre :
- Quels sont les risques et les impacts que l’activité d’entreprise peut avoir sur le changement climatique, le respect des droits de l’homme, la lutte contre la corruption et sur son écosystème
- Et comment les questions de durabilité (environnementales, sociales et de gouvernance – ESG) influencent le développement, la performance, la gestion et les résultats de l’entreprise
Le nouveau rapport de durabilité doit donc fournir des informations suffisamment détaillées sur la stratégie de durabilité adoptée par l’entreprise et inclure notamment les informations suivantes :
- Une brève description du modèle de business et de la stratégie de durabilité de l’entreprise
- Une description des objectifs de durabilité fixés par l’entreprise, y compris, le cas échéant, les objectifs absolus de réduction des émissions de gaz à effet de serre, au moins pour 2030 et 2050. Une description des progrès réalisés par l’entreprise pour atteindre ces objectifs et une déclaration attestant que les objectifs environnementaux de l’entreprise sont fondés sur des preuves scientifiques concluantes
- Une description du rôle et des responsabilités des organes d’administration, de direction et de surveillance de l’entreprise, mettant en évidence l’expérience et les compétences acquises en matière de durabilité par les administrateurs pour exercer leur mandat
- Une description des politiques de durabilité de l’entreprise
- Informations sur la politique de rémunération des dirigeants et administrateurs qui doit être alignée sur la stratégie de durabilité
- Le rapport doit également décrire :
- Les procédures de due diligence mises en œuvre par l’entreprise en ce qui concerne les questions de durabilité, qui doivent être conformes aux principes établis par l’Union européenne dans le cadre de la directive sur le devoir de diligence.
- Les principaux impacts négatifs, réels ou potentiels, liés aux activités de l’entreprise et à sa chaîne de valeur, y compris les produits, les services et les relations d’affaires, ainsi que les mesures prises pour surveiller ces impacts, en application des principes établis par l’UE en matière de devoir de diligence
- Les mesures prises par l’entreprise pour prévenir, atténuer, corriger ou éliminer les effets négatifs, réels ou potentiels
- Une description des principaux risques de durabilité auxquels l’entreprise est exposée et une description de la manière dont ces risques sont gérés
- Indicateurs pertinents pour la communication des informations visées à l’article 19, points a) à g), de la directive.
En ce qui concerne les PME cotées, les petits établissements de crédit non complexes et les entreprises d’assurance et de réassurance, la directive CSRD dispose que ces entreprises doivent fournir des informations moins détaillées sur la durabilité afin d’éviter des charges administratives disproportionnées. Des normes ESRS spécifiques s’appliquent donc à ces entités.
Autrement dit, les rapports sur la durabilité – conformément aux recommandations de la Task Force on Climate-related Disclosures (TCFD) – doivent fournir des informations claires sur les critères ESG et prêter une attention particulière aux quatre points clés suivants : (i) l’organisation de la gouvernance, (ii) la stratégie de durabilité, (iii) la gestion des risques liés aux critères ESG et l’évaluation des impacts et des opportunités qui en découlent, (iv) les indicateurs et labels de référence pris en compte par l’entreprise.
3. Double matérialité
La directive CSRD clarifie le principe de « double matérialité »; un principe selon lequel les entreprises concernées doivent inclure dans leur rapport de durabilité des informations sur les impacts, positifs ou négatifs, de leurs activités sur l’environnement et la société (approche inside-out) et des informations sur la façon dont les problèmes de durabilité (ESG) affectent les résultats et les modèles d’affaires (approche outside-in) de l’entreprise.
Les paramètres pris en compte par le principe de double matérialité sont de deux ordres : la matérialité d’impact et la matérialité financière. Le premier se concentre sur les impacts des activités de l’organisation sur le contexte social et environnemental dans lequel l’entreprise opère. Le second, en revanche, prend en compte les risques, environnementaux et sociaux, qui peuvent avoir un impact direct sur l’activité de l’entreprise, avec des conséquences financières importantes jusqu’à influencer les décisions stratégiques de l’entreprise en matière de durabilité.
Pour favoriser cette nouvelle approche, la directive CSRD a remplacé le terme « informations non financières » par « informations sur la durabilité » afin de renforcer le lien entre les politiques ESG (environnement, société et gouvernance) et l’évolution économique et financière de l’entreprise.
4. Exigences de certification
La directive CSRD prévoit que les informations fournies par les entreprises doivent être certifiées par un auditeur ou un certificateur indépendant accrédité. Cette exigence vise à garantir la conformité des informations sur la durabilité avec les principes de certification de l’Union et à renforcer la transparence et la protection des investisseurs, qui disposeront ainsi d’informations fiables et facilement comparables.
Normes techniques de durabilité (ESRS)
L’art. 29 ter de la directive RSE prévoit la création de normes techniques de durabilité (ESRS) permettant d’encadrer et d’harmoniser les informations en matière de durabilité publiées par les entreprises concernées.
La Commission européenne a chargé l’EFRAG d’élaborer des normes techniques. Après une consultation publique qui a duré de juin 2021 à avril 2022, l’EFRAG a présenté, en novembre 2022, à la Commission européenne un premier lot de 12 normes universelles couvrant tous les thèmes ESG.
À la suite des observations formulées par la Commission, l’EFRAG a introduit un certain nombre de modifications, notamment en matière d’allègements et de progressivité d’application de certaines dispositions. À son tour, la Commission a publié son projet de règlement délégué le 9 juin 2023 et a lancé une nouvelle consultation publique qui s’est terminée le 7 juillet 2023. Le règlement délégué a finalement été approuvé par la Commission le 31 juillet 2023.
Le texte final du règlement délégué est le résultat d’un compromis équitable. La Commission a souligné l’importance d’une réglementation garantissant le respect des objectifs de durabilité à moindre coût, et s’est engagée à rationaliser les besoins d’information, tout en maintenant des normes techniques élevées et ses objectifs stratégiques en matière de durabilité.
Les normes techniques que les entreprises concernées doivent respecter lors de l’élaboration de leur rapport de gestion sont énumérées aux annexes 1 et 2 du règlement délégué.
La première annexe identifie 12 normes ESRS classées en trois catégories :
1. Normes transversales, applicables aux questions de durabilité régies par des principes thématiques et des principes sectoriels
- ESRS 1 Exigences générales
- ESRS 2 Informations générales à publier
2. Normes thématiques relatives aux critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), qui s’articulent autour de thèmes, sous-thèmes et sous-thèmes spécifiques.
- Volet environnement
- ESRS E1 Changement climatique
- ESRS E2 Pollution
- ESRS E3 Ressources aquatiques et marines
- ESRS E4 Biodiversité et écosystèmes
- ESRS E5 Utilisation des ressources et économie circulaire
- Volet Social
- ESRS S1 Effectifs de l’entreprise
- ESRS S2 Travailleurs de la chaine de valeur
- ESRS S3 Communautés intéressées
- ESRS S4 Consumateurs et utilisateurs finaux
- Volet Gouvernance
- ESRS G1 Conduite des affaires
3. Normes sectorielles couvrant environ 40 secteurs d’activité et PME, qui s’appliquent à toutes les entreprises d’un secteur et concernent des impacts, risques et opportunités substantiels, pour toutes les entreprises d’un secteur spécifique et ne sont pas couvertes par des principes thématiques. En outre, ils se caractérisent par un degré élevé de comparabilité.
La deuxième annexe contient la liste des acronymes et le glossaire des définitions à utiliser pour la publication d’informations sur la durabilité conformément aux principes ESRS.
La Commission européenne a demandé à l’EFRAG d’élaborer des lignes directrices pour faciliter l’application des normes techniques (ESRS) par les entreprises. Les lignes directrices de l’EFRAG devraient être publiées prochainement et contenir également des précisions en matière de double matérialité et de chaînes de valeur.
Calendrier d’application de la directive CSRD
Les nouvelles exigences de transparence prévues par la directive CSRD et son règlement délégué entreront en vigueur à compter du 1er janvier 2024. Une application différée est prévue selon la typologie des entreprises concernées :
- Le 1er janvier 2024, (pour l’exercice 2024) les entreprises d’intérêt public (EIP) – à savoir les grandes entreprises européennes et non européennes cotées sur un marché règlementé déjà soumises à l’obligation de reporting NFDR – comptant plus de 500 salariés et comptabilisant plus de 40 millions d’euros de chiffres d’affaires ou bien 20 millions d’euros de bilan.
- Le 1er janvier 2026, (pour l’exercice 2025) les grandes entreprises qui ne sont pas actuellement soumises à la directive NFDR, c’est-à-dire les entreprises qui dépassent au moins deux des trois critères suivants : (i) 250 salariés, (ii) 40 millions d’euros de chiffre d’affaires net, (iii) 20 millions d’euros d’actifs au total.
- Le 1er janvier 2027, (pour l’exercice 2026) les PME européennes ou non-européennes cotées sur un marché règlementé européen, à l’exception des micro-entreprises. Cependant, les PME cotées peuvent choisir d’utiliser le délai de deux ans supplémentaires, ce qui permet eux de reporter la première publication du rapport de durabilité début 2029 pour l’exercice 2028.
- Le 1er janvier 2029, (pour l’exercice 2028) les grandes entreprises non-européennes ayant un chiffre d’affaires européen supérieur à 150M€ et une filiale ou succursale basée dans l’Union européenne. La publication de leur 1er rapport d’informations extra-financière est attendue début 2029.
Conclusion
Pour se conformer aux dispositions de la directive DSR et de son règlement délégué, les entreprises concernées doivent commencer à se familiariser avec les nouvelles dispositions et les normes RSE, dont la connaissance est essentielle pour l’élaboration de rapports extra financiers
Les systèmes de gouvernance doivent évoluer dans le sens indiqué par la directive. Les organes d’administration et de surveillance doivent être composés de personnes ayant des compétences spécifiques en matière de durabilité et de critères ESG.
Les entreprises doivent également se doter d’une organisation efficace capable de recueillir et d’analyser les risques, les impacts et les opportunités, d’élaborer les informations extra-financières nécessaires à la rédaction du rapport de durabilité et de définir les plans d’action à mettre en œuvre.
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