Les acteurs économiques s’interrogent sur l’attractivité de la place financière parisienne en vue de la sortie du Royaume-Uni de l’Union Européenne fin janvier 2020. Les débats se sont notamment focalisés sur l’activisme actionnarial.
La présence d’investisseurs dynamiques très intéressés à tout ce qui se passe sur les marchés et capables d’influencer la stratégie, la situation financière ou la gouvernance de l’émetteur, par le moyen d’une prise de position publique, est devenu un enjeu de place.
Après la publication du rapport de la Commission des finances de l’Assemblée Nationale, présidée par Eric Woerth, aussi le Groupe de travail du Club des juristes, presidé par Michel Prada ancien président de l’autorité des marchés (AMF), a formulé des propositions à ce sujet.
L’initiative vise à identifier les comportements des investisseurs (actionnaires et émetteurs) susceptibles d’être préjudiciables à la transparence, la loyauté et le bon fonctionnement du marché, et à encadrer juridiquement les campagnes des activistes.
Les 10 recommandations proposées par le Club des juristes
- Renforcer le dialogue entre les émetteurs et les investisseurs : Le rééquilibrage des rapports émetteurs-activistes et le renforcement du dispositif de transparence applicable aux investisseurs prenant des positions publiquement sur la gouvernance d’entreprise sont prioritaires. Le Club des juristes propose qu’un activiste ayant pris position publiquement devrait déclarer notamment ses niveaux de participation, le type de titres détenus, et son éventuelle couverture.
- Améliorer la transparence des informations publiques diffusées par les activistes de façon à garantir l’objectivité des informations contenues dans les « white papers » publiés par les activistes, ainsi qu’un traitement adéquat des conflits d’intérêts.
- Favoriser la loyauté des échanges entre émetteurs et activistes. Ces derniers devraient s’abstenir de procéder à des communications ou publications au cours des « quiet periods » auxquelles sont soumis les émetteurs. Cumulativement, les conditions dans lesquelles les émetteurs peuvent réagir dans ces circonstances pourraient être clarifiées.
- Compléter la règlementation actuelle sur la transparence de la constitution des positions courtes au travers : (i) l’indication de toutes les positions se rapprochant des positions courtes (puts, etc.) (ii) une déclaration d’intention en cas de franchissement de certains seuils, (iii) une publication agrégée dans certaines situations (notamment en cas d’action de concert au sens des déclarations de franchissement de seuils) et (iv) l’indication de l’identité des investisseurs lui ayant prêté les titres. La réglementation sur les franchissements de seuils pourrait le cas échéant être renforcée (délais, contenu).
- Priver l’emprunteur du droit de vote attaché aux actions prêtées afin de lutter efficacement contre le phénomène de l’« empty voting » .
- Promouvoir l’engagement collectif des investisseurs à travers la création d’une plateforme de dialogue actionnarial permettant aux investisseurs de mettre en commun leurs revendications et d’engager un dialogue, le cas échéant, avec l’émetteur.
- Mettre en place une démarche de dialogue préalable au lancement d’une campagne activiste. Cette bonne pratique doit être systématique car le dialogue actionnarial est, de fait, le meilleur moyen pour prévenir les prises de positions publiques. Un guide du dialogue actionnarial pourrait donc être élaboré conjointement par les émetteurs, les investisseurs, les régulateurs et les autres acteurs de marché. Les investisseurs pourraient se réunir en un comité unique afin de parler d’une seule voix avec les émetteurs.
- Réexaminer la méthode d’élaboration du Code de gouvernement d’entreprise afin d’assurer la plus large acceptation possible de la part des investisseurs.
- Renforcer les moyens et le rôle de l’AMF. Les pouvoirs de l’AMF prévus à l’article L. 621-18 du Code monétaire et financier pourraient être élargis afin de permettre d’exiger que les investisseurs, et pas seulement les émetteurs, corrigent ou complètent leurs déclarations publiques.
- Encadrer les comportements susceptibles de permettre la caractérisation d’une action de concert dans le cadre d’une campagne activiste, à l’instar de la liste blanche élaborée par l’ESMA pour la directive OPA (ESMA, 12 novembre 2013, Information on shareholder cooperation and acting in concert under the Takeover Bids Directive, ESMA/2013/1642).
Pour favoriser le dialogue actionnarial et améliorer les bonnes pratiques de gouvernance au sein des sociétés cotées, le Club des juristes considère donc que le recours au droit souple doit être toujours privilégié-
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