Le 24 novembre 2020, l’Autorité des marchés financiers (AMF) a rendu public son rapport annuel sur le gouvernement d’entreprise et la rémunération des dirigeants des sociétés cotées. Cette année, le document s’est concentré, en particulier, sur le fonctionnement des assemblées générales annuelles (AG) dans le contexte lié à la pandémie de Covid-19. L’AMF en a tiré un bilan contrasté.
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Le fonctionnement des AG 2020
Les mesures d’urgence adoptées par le Gouvernement français en pleine crise sanitaire ont, de fait, contraient les conseils d’administration des sociétés cotées à déployer des efforts importants pour assurer le déroulement des AG. En 2020, 110 assemblées générales annuelles sur 118 se sont déroulées à huis clos sans la présence physique des actionnaires. C’était la seule façon pour permettre aux actionnaires de voter les décisions nécessaires au fonctionnement des sociétés. Néanmoins, l’adoption de cette pratique a atteinte à certains droits des actionnaires (comme, par exemple, le droit de nommer ou révoquer un administrateur en séance, le droit de poser des questions orales pendant l’assemblée générale, ou encore le droit de déposer des résolutions nouvelles).
Pour assurer l’effective participation des actionnaires aux AG 2020, l’AMF a encouragé les sociétés à retransmettre l’AG en direct, en format audio ou vidéo, par diffusion en streaming ou par tout autre dispositif de retransmission accessible aux actionnaires. Conformément à ces recommandations, 73% de ces sociétés ont proposé une retransmission en direct ou en différé de l’AG, alors que d’autres (20% de l’échantillon) n’ont assuré aucune retransmission.
La saison 2020 des AG a été marquée par un autre fait important, le taux de contestation des résolutions soumises au vote des actionnaires a sensiblement augmenté en 2020. Ce constat vient atténuer, voire contredire, l’idée d’une participation moins active des actionnaires en raison de la crise sanitaire.
L’AMF a cependant souligné que certaines questions ont suscité la vive inquiétude des actionnaires, notamment en ce qui concerne :
- La composition du bureau de l’AG
L’AMF constate qu’un très grand nombre de sociétés de l’échantillon n’ont pas désigné les scrutateurs parmi les actionnaires et n’ont pas donné d’information à ce sujet. Si un régime d’exception et d’urgence devait perdurer, l’AMF recommande de choisir les scrutateurs exclusivement parmi les principaux actionnaires, afin d’éviter toute contestation.
- Les modalités de vote
L’AMF constate que de nombreuses sociétés cotées ont permis à leurs actionnaires de voter sur Internet avant l’AG via une plateforme sécurisée. Il faut dire, par contre, que contrairement à leurs homologues européens cotés sur Euronext (tels que : Akzo Nobel, KPN, Randstad ou ABN AMRO), les sociétés françaises n’ont pas permis aux actionnaires de voter en direct pendant la séance de l’AG, en raison de questions techniques et de fiabilité. A l’ère du numérique, l’AMF encourage les acteurs de place à se mobiliser pour mettre au point des technologies (par exemple, de type blockchain) permettant aux actionnaires d’exercer leurs prérogatives – à distance et en direct – dans des conditions analogues à celles dont ils disposent, en séance, dans le cadre des AG.
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La transparence sur les critères de performance des dirigeants
L’AMF souligne que les sociétés cotées, notamment celles du CAC 40, sont tenues d’indiquer, dans leur politique de rémunération, l’importance respective des éléments fixes, variables et exceptionnels et leurs critères de détermination. Cependant, l’AMF constate que l’information sur le niveau de réalisation des critères de performance n’est pas toujours trop détaillée. Elle invite donc ces sociétés à se conformer au texte de la loi qui exige que les émetteurs doivent expliquer la manière dont les critères de performance ont été appliqués par le conseil.
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Le ratio d’équité
Le ratio d’équité a été introduit en 2019 suite à la transposition, dans la loi Pacte, de la nouvelle Directive droit des actionnaires. Publiée pour la première fois en 2020, dans le rapport sur le gouvernement d’entreprise, cette nouvelle information poursuivre l’objectif de mettre en perspective la rémunération des dirigeants mandataires sociaux avec celle des salariés au cours des cinq exercices les plus récents. L’AMF constate que le niveau d’information et les modalités de calcul des ratios sont très disparates d’une société à l’autre. Elle recommande donc aux sociétés d’expliciter et de justifier le périmètre des salariés, des éléments de rémunération des dirigeants retenus et de communiquer le ratio d’équité par fonction puis par personne.
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Les conseillers en vote
L’une des nouveautés les plus marquantes de cette année 2020 concerne la mise en œuvre des dispositions visées par la loi Pacte pour encadrer les pratiques des conseillers en vote. Ces derniers sont tenus de publier des informations concernant leurs éventuels conflits d’intérêts, la préparation de leur recherche, ainsi que les conseils et recommandations de vote. Ces informations doivent être publiées sur leur site Internet. Cependant, l’AMF invite les conseillers en vote à présenter l’ensemble de ces informations au sein d’un document annuel. Elle recommande un dialogue avec les émetteurs et estime important que ceux-ci puissent avoir accès aux données les concernant pour pouvoir signaler d’éventuelles erreurs factuelles ou omissions.
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Les principales actualités françaises et européennes en matière de gouvernance d’entreprise
L’AMF suit de près l’actualité en matière de gouvernance d’entreprise aux niveaux, français et européen, et cette année son attention s’est concentrée sur les thématiques suivantes :
- L’activisme actionnarial
La question de la montée en puissance des actionnaires activistes est au cœur de l’actualité internationale et de l’agenda politique depuis quelques années. En France, les associations professionnelles et les pouvoirs publics ont participé activement au débat et ont publié plusieurs propositions en 2020. L’AMF a été en première ligne sur ce sujet. Dans sa communication du 28 avril 2020, elle a proposé des mesures ciblées visant à améliorer la transparence vis-à-vis du marché et le dialogue actionnarial, en précisant que le rôle du régulateur n’est pas d’empêcher l’activisme, mais de se donner la capacité d’en maîtriser les excès. D’ici au début de l’année prochaine, l’AMF entend faire évoluer sa doctrine et son règlement général conformément à ses propositions.
- La mixité des instances dirigeantes
Dès 2020, les sociétés cotées doivent fournir des informations sur la féminisation de leurs instances dirigeantes, en application des nouvelles dispositions visées par le Code Afep-Medef. L’AMF a constaté, pour cette première année, une très grande variété de périmètres utilisés pour identifier les instances dirigeantes, ainsi qu’un manque de précision sur ces périmètres. Selon l’AMF, il serait souhaitable une plus grande convergence et précision afin d’améliorer la transparence sur ce sujet.
- La raison d’être
Suite à l’application de la loi Pacte, nombreuses sociétés ont adopté une raison d’être. Certaines sociétés l’ont inscrite dans leurs statuts, d’autres ont utilisé des supports divers : leur site Internet ou leur Code d’éthique ou bien leur Code de conduite. L’AMF souligne qu’il est à présent important de bien décliner les engagements concrets et la portée opérationnelle de la raison d’être, en détaillant les étapes clefs de ce processus. D’ailleurs, elle souligne que la notion de raison d’être est une notion qui doit être précisée, au fur et à mesure, par la pratique et par la jurisprudence.
- La prise en compte du long terme
L’AMF relève que la Commission européenne a lancé le 30 juillet 2020 une initiative législative intitulée «Sustainable corporate governance». Cette initiative vise à responsabiliser les organes de gouvernance des sociétés cotées, à renforcer l’intégration des enjeux de durabilité dans les décisions et la stratégie de l’entreprise et à mieux aligner les intérêts à long terme des dirigeants, des actionnaires, des parties prenantes et de la société en général.
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